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Élever des chenilles : un jeu d’enfant ?

Pourquoi faire de l’élevage ?

Il est parfois tentant de tenter de percer le mystère dans lequel se drapent les chenilles. Trouver leur identité sur photo peut parfois prendre des heures voire même échouer. Il peut-être intéressant de  les élever : l’élevage des chenilles permet de mieux appréhender le cycle de vie du papillon, de prendre conscience du temps nécessaire à son développement, et le moment de l’émergence et du lâcher reste magique, pour les observateurs en culotte courte comme pour les grands. Alors si vous êtes tentés par l’aventure de l’élevage, voici quelques conseils.

Précautions

Tout d’abord, il vaudra mieux éviter de toucher directement les chenilles, notamment certaines chenilles dont les poils peuvent être très irritants, notamment les chenilles de Processionnaires qui peuvent provoquer de dangereuses irritations. Aussi, en l’absence de connaissances particulières, on ne touchera pas les chenilles présentant des poils. Ensuite, il faudra dans la mesure du possible éviter de prélever des chenilles d’espèces protégées ou rares, à condition bien entendu d’avoir déjà une idée de l’identité de la larve. Il s’agira également tenir compte du milieu de vie de l’espèce : si l’on se retrouve avec un imago de Petit Paon de Nuit ou un Sphinx Demi-paon, il vaut mieux prévoir de lui faire faire son vol inaugural à l’endroit où la chenille avait été collectée, ou du moins dans un site qui lui soit favorable, c’est-à-dire où l’espèce ait déjà été observée.

La nourriture au quotidien

Que l’on commence à élever à partir d’œufs trouvés sur une plante, de chenilles ou d’une simple chrysalide ramassée, il faut avoir conscience que prélever dans la nature un animal qui se serait débrouillé tout seul, engage une certaine part de responsabilité et qu’il faut donc être capable de mener à terme cet élevage.

Il est très aléatoire de prélever une chenille lorsqu’on n’est pas certain de sa plante-hôte, car si certaines sont polyphages, d’autres ne consomment qu’une unique plante et à défaut de trouver laquelle, on risque de regarder sa chenille mourir de faim. De même, lorsqu’on nourrit des chenilles, c’est quotidiennement qu’il faut renouveler la provision de feuilles, tout en vérifiant bien qu’on n’introduit aucune autre bête en même temps que les feuilles qu’on glisse dans la boîte. Tous les jours également il conviendra de vider la boîte d’élevage des crottes qu’elle contient (dans la nature les crottes tombent au sol et les chenilles ne les côtoient pas). Il est inutile de mettre de l’eau, et même dangereux, les chenilles peuvent se noyer ; elles trouvent suffisamment d’eau dans les plantes consommées. Il faut également s’assurer que l’on a à portée de main, au jardin ou non loin, la plante nécessaire au nourrissage de ses pensionnaires, pour ne pas être obligé à une fastidieuse quête quotidienne.

Le matériel

Le matériel d’élevage est très peu onéreux et simple : la boîte d’élevage peut être une simple bouteille d’eau minérale coupée aux 2/3 et fermée par un morceau de tulle fixé avec des élastiques. On peut utiliser la même boîte pour des chenilles de la même espèce, mais il vaut mieux utiliser une boîte différente pour chaque espèce.

Enfin, il sera utile de coller des étiquettes sur la boîte d’élevage pour y noter des informations telles que la date et le lieu de prélèvement, la plante-hôte, le nom de l’espèce si l’on en a une petite idée, les dates des mues et de nymphose, et finalement la date d’émergence ; en effet, il n’est pas rare que des mois (parfois un ou deux ans pour certaines espèces) se passent entre la nymphose et l’émergence, aussi ces notes seront précieuses pour s’y retrouver.

Mues et nymphose

Il arrive que l’on observe sa chenille immobile plusieurs jours sur une feuille ou sur la paroi de la boîte : inutile de s’inquiéter, elle se prépare à muer. Elle reprendra ensuite sa consommation de feuilles, avec un appétit accru. À l’inverse, elle peut commencer à courir le marathon au fond de sa boîte, pendant plusieurs jours, sans plus se nourrir. C’est qu’elle cherche fébrilement un endroit favorable où s’abriter avant de se s’immobiliser longuement en chrysalide. En ce cas, il suffira de lui disposer un peu de terre dans le fond de la boîte pour lui donner l’opportunité de s’enterrer, un peu de papier essuie-tout par-dessus dans lequel elle pourra se cacher comme elle le ferait entre des feuilles, et enfin une branchette pour lui permettre d’accrocher sa chrysalide : ainsi elle aura le choix car toutes les chenilles n’ont pas les mêmes besoins dans ce moment délicat de la métamorphose.

L’attente

Une fois la chenille nymphosée, l’éleveur n’aura plus qu’à stocker sa ou ses boîtes dans un local sain, sec, non chauffé, correctement éclairé. Il visitera les boîtes quotidiennement (à la mauvaise saison une visite tous les deux jours peut suffire) car la date d’émergence peut le surprendre s’il n’a pas idée de l’identité de ses pensionnaires : un rapide coup d’œil sur le dessus des boîtes permet de se rendre compte si un papillon a éclos :

En effet la plupart du temps celui-ci s’accrochera en haut de la boîte, sur le tulle :

Les échecs

L’éleveur est parfois déçu dans ses attentes… Mais dans la nature non plus tout ne se passe pas toujours parfaitement. Il peut arriver notamment que les chenilles soient parasitées, ou que l’imago ait les ailes malformées, selon les espèces c’est même assez fréquent. Une date d’émergence trop décalée par rapport à la saison peut également représenter un échec pour la survie du papillon. Les causes d’échec peuvent être multiples, et leur analyse pourra permettre d’améliorer sensiblement le taux de réussite.

Le plus beau moment

Tout s’est bien passé, et le papillon vient d’émerger : inutile de se précipiter pour le lâcher : plusieurs heures lui sont nécessaires pour sécher ses ailes, il aura également à s’alléger en vidant son tube digestif d’un méconium diversement coloré (rouge, orange, beige…). Il peut aussi arriver que l’on se retrouve après l’émergence avec un petit boudin poilu et sans ailes : pas de panique, il s’agit d’une femelle aptère ou brachyptère. En ce cas, après quelques recherches, il suffira de la déposer délicatement sur l’arbre correspondant à son espèce.

L’élevage permet de produire des individus neufs que l’on pourra prendre plaisir à photographier avant de les laisser s’envoler vers leur nouvelle vie. Des photos des différentes étapes de l’élevage seront également intéressantes pour documenter ce qui reste une expérience scientifique. Après l’éclosion, certains éleveurs profitent même parfois d’avoir des femelles vierges (volantes ou aptères) pour attirer des mâles et assister à un accouplement puis une ponte, suivant en cela les traces de Jean-Henri Fabre au XIXème siècle, qui observait ainsi le Grand Paon de Nuit.

Après l’envol, il ne restera plus dans la boîte que la vieille peau de la chenille et sa chrysalide, parfois emballée dans un cocon…

    

…et de jolis souvenirs !

      

Les Ennomos

 

 

 

 

Comme un air d’automne

La saison s’avançant, en septembre volettent déjà les Ennomos, dont la forme et les couleurs rappellent les feuilles sèches qui commencent à tomber. Habituellement très discrets, ces hétérocères sont facilement attirés par les pièges lumineux. Ils sont souvent d’une identification délicate.

Écartons Odontopera bidentata, l’Ennomos dentelé, observable au printemps, ainsi que le bel Apeira Syringaria, si caratéristique, dont la seconde génération vole jusqu’en septembre. Visibles de juillet à octobre, ils sont cinq que l’on peut assez facilement confondre : Ennomos alniaria, autumnaria, fuscantaria, erosaria et quercinaria. Dans cet article, les noms vernaculaires des Ennomos sont volontairement mis de côté car ils prêtent davantage à confusion (ainsi Ennomos alniaria = l’Ennomos du Tilleul tandis qu’Ennomos autumnaria était encore récemment appelé l’Ennomos de l’Aulne !)

 Plus répandu chez nous que les 4 autres, Ennomos alniaria se reconnaît à sa tête et son thorax jaune vif et à ses macules sombres sur les ailes antérieures. Il fréquente les zones boisées et les zones humides. Sa chenille se nourrit de divers feuillus (bouleau, aulne, tilleul, chêne, noisetier, peuplier, orme…). Espèce univoltine, on peut l’admirer de juillet à septembre :

 

Ennomos autumnaria, dont la chenille consomme divers feuillus (chêne, orme, aulne, tilleul, aubépine, prunellier…) est bien plus présent dans le Nord de la France que dans la moitié Sud (http://www.lepinet.fr/especes/nation/carte.php?e=l&id=36560). Espèce univoltine, ce papillon est présent d’août à septembre. Comparé à E. alniaria à qui il ressemble beaucoup, il présente des petites mouchetures plus prononcées sur les ailes antérieures et postérieures, son corps ne présente pas la coloration jaune vif d’E. anlniaria et la ligne post-médiane, lorsqu’elle est présente, change de courbure avant d’atteindre la côte alors qu’elle est arrondie régulièrement sur E. alniaria :

 

Ennomos fuscantaria, est univoltine, d’août à octobre, il apprécie les parcs, jardins et zones forestières. Sa chenille consomme du bouleau, du troêne et du frêne. Proche d’Ennomos erosaria, ce papillon a une aire sub-terminale plus foncée et une encoche plus prononcée sur le bord externe des ailes antérieures :

 

Ennomos erosaria, espèce qui se fait rare, se rencontre de juin à juillet puis de septembre à octobre dans les forêts de feuillus dont sa chenille grignote diverses essences (charme, chêne, bouleau,, tilleul, peuplier, etc.) Pour le différencier d’Ennomos quercinaria, on prêtera attention  aux lignes transverses de la partie discale, qui sont très nettes, sombres et diffuses le long de la costa. Le tracé de la ligne antémédiane se courbe nettement à la costa chez E. erosaria : 

 

Ennomos quercinaria a des lignes transversales qui diffusent davantage, rendant la zone médiane ainsi délimitée plus claire que chez E. erosaria. Cette espèce, qui se raréfie, est également bivoltine comme E. erosaria ; on peut la rencontrer dans les forêts et lisières, les clairières. Sa chenille consomme aulne, orme, tilleul, chêne, prunellier ou aubépine :

Observer les hétérocères en octobre : les Xanthia

Les observations de papillons s’espacent, l’automne est déjà là.

Cependant, en combinant les prospections à vue en journée, à la frontale ou lampe UV la nuit, les miellées, sans négliger les inspections des lierres pour certains toujours fleuris, il y a encore moyen de voir de jolies espèces, et parfois un migrateur inattendu mais toujours espéré.

Les Xanthia

Les Xanthia illustrent bien  les Noctuelles aux chaudes couleurs automnales, en témoignent vigoureusement leurs noms vernaculaires : Xanthie dorée, ochracée, cendrée, cannelle ou citronnée, Cosmie roussâtre… Les 6 espèces illustrées ci-dessous, pour la plupart assez communes, aux chenilles polyphages, sont toutes visibles en octobre :

  Xanthia citrago

ou Tiliacea citrago

   Xanthia aurago

ou Tiliacea aurago

                      Xanthia gilvago
 

 Xanthia icteritia

             Xanthia ocellaris  

Xanthia togata

(Photos : C. Derozier)

Contribution à la connaissance des Lépidoptères de l’Aisne, Région Haut de France.

Par Philippe MATHIAS :

Lorsque mon père revint de sa captivité en Allemagne j’avais presque 11 ans et des souvenirs assez

vagues. Mais je savais qu’il avait une collection de papillons que ma mère m’avait montrée avant de la

mettre à l’abri des bombardements de la région parisienne. Je revoie encore mon père dans l’entrée de la

maison de Pavant, le chien qui l’avait reconnu entre les genoux, ouvrir la petite boite que j’avais préparée

avec des papillons attrapés dans le jardin. Je me souviens encore très bien qu’il s’agissait d’une espèce

aujourd’hui disparue du village : la melitée des scabieuses (Melitaea parthenoides). Ensuite ce fut le

début d’une collection d’abord de papillons de jour (près de 85 espèces sur la centaine que l’Aisne

comptait à cette époque) puis de papillons de nuit grâce au grand jardin familial et au piège lumineux

installé dans une pièce du grenier. Les nuits d’été il y avait parfois une foule innombrable et je récoltais

les espèces que je ne connaissais pas car mes moyens et la place étaient limités ! Puis ce furent les

déplacements en France et en Europe à la recherche d’espèces nouvelles pour la collection. Je n’oublie

pas non plus les espèces exotiques collectionnées grâce à des amis que je remercie mais dans un esprit

plus esthétique que scientifique ! Depuis, à la retraite depuis plus de 20 ans j’ouvre une fiche par espèce

et classe au mieux la collection. N’ayant pas la passion de la photographie, et c’est dommage ce sont des

souvenirs agréables qui défilent devant moi. J’espère qu’à l’avenir la collection sera autre chose qu’un

musée d’espèces disparues !

 

Retrouvez ici le lien, la collection de Philippe Mathias, document intitulé :

« Contribution à la connaissance des lépidoptères de Picardie, région Hauts-de-France ». ADEP (2017)

Mathias Collection papillons Picardie

Mots clés : Aisne, Collection, Lépidoptères.

La S’Pyrale infernale ? Cydalima perspectalis (Walker, 1859)

Si la première observation remonte à 2015 à Gouvieux (Oise 60), la « pyrale du buis », Cydalima perspectalis (Walker, 1859) , fait l’objet de nombreuses observations cette année en Picardie.

 

2017

Oise (60) :

Le papillon est noté à : Avilly-St-Léonard, Béthisy-St-Martin, Chantilly, Creil, Gouvieux, La Neuville-Roy, Laboissière-en-Thelle, Lévignen, Orry la Ville, Précy-sur-Oise, Senlis, Thiers sur Thève, Villers-St-Paul.

Aisne (02)

Le département de l’Aisne n’est pas en reste et il est noté cette année à Bucy-le-Long.

Somme (80)

1 commune : Picquigny

Espèce à surveiller de près pour étudier son expansion et les dégâts induits…

Photo : L. Colindre – 09/2017

 

2018

Déjà noté sur de nombreuses communes supplémentaires, le papillon poursuit sa route…

Nous présentons les deux habitus existants, forme claire/ forme sombre (Photos : Michel Bertrand)

La lettre d’informations du réseau papillons : « Les Faits Papillons » maintenant en ligne.

Nouveau !

Avis aux Lépidoptéristes ainsi qu’à tous les autres : retrouvez « Les Faits Papillons », la lettre d’informations du réseau papillons en cliquant sur ce lien :

http://www.picardie-nature.org/etude-de-la-faune-sauvage/les-groupes-de-faune-etudies/les-14-reseaux-naturalistes-de/papillons/informations-et-outils-d/les-faits-papillons-la-lettre-d/

Toutes les infos utiles pour apprendre à différencier les espèces, le papillon du mois, articles par thème, les projets, etc… avec de superbes photos !

 

Fiche espèce : Catocala promissa (Denis & Schiffermüller, 1775) – Artoise.

Par Maurice DUQUEF.

Fiches des espèces remarquables

Catocala promissa (Denis & Schiffermüller, 1775)

(Lepidoptera, Noctuidae)

Catocala promissa est une espèce rare en Picardie, elle se rencontre dans les bois de chênes. Elle était déjà connue de la Forêt de Saint Michel et de la Forêt de Samoussy. La chenille observée en mai 2017 est donc une confirmation de la présence de ce joli papillon en Picardie.

Chenille, photo : Maurice Duquef.

L’imago :

Photo : Yann Duquef.

Fiche espèce : Rheumaptera hastata (Linnaeus, 1758) – Artoise.

Par Maurice DUQUEF.

Fiches des espèces remarquables

Rheumaptera hastata (L.,1758)

(Lepidoptera, Geometridae)

Redécouverte de Rheumaptera hastata, par J. F. Delasalle, M. Duquef, M. Fournal et D. Pruvot, le 20 mai 2017 lors de l’étude d’une réserve biologique intégrale de l’ONF par l’ADEP (Aisne 02), dans ses environs immédiats, le lépidoptère Geometridae Rheumaptera hastata a été capturé volant au soleil dans une zone de bouleaux. Cette espèce n’avait pas été vue en Picardie depuis 1974 ! (Forêt d’Ourscamp, Oise, M. Duquef). Ce papillon, dont la chenille se nourrit dans les régions de plaine sur les bouleaux, est en voie de disparition dans tout l’ouest de la France. Seules vont survivre les populations de montagne (dont les chenilles vivent sur les myrtilles et les rhododendrons).

Photo : Yann Duquef.

Le lendemain deux ou trois autres individus ont été rencontrés en début de journée. Ce papillon ne vient pas à la lumière. Le réchauffement climatique est une réalité tragique pour les espèces de faune froide survivant encore en Thiérache.

Photo : Luc Plateaux.

Exposition entomo de Glisy 2017

Maurice DUQUEF, entomologiste reconnu pour ses connaissances des espèces picardes observées depuis plus de 60 ans ainsi que ses connaissances Guyanaises, a exposé des papillons et coléoptères à la salle des assemblées de Glisy 8 rue neuve les 13 et 14 mai de 10h à 18h prolongée au lundi matin 15 mai pour l’école de Glisy. 

Une chance de voir de très anciennes collections de papillons que l’on n’observe malheureusement plus (ou très rarement) de nos jours et sur la spécificité des recherches de certaines espèces (différentes techniques de recherches, milieux à explorer, etc.).

De belles et intéressantes rencontres ont eu lieu tout au long du week-end. Les magnifiques panneaux toilés du GDEAM (Montreuil-sur-Mer) ont eu un grand succès auprès du public.

Photos : Maurice Duquef.

observation septentrionale inhabituelle

Thysanoplusia orichalcea : visible en Indonésie, au Sud de l’Asie, en Afrique, Australie, Sri Lanka ou Nouvelle Zélande, ce papillon de nuit de la famille des Noctuidae, sous-famille des Plusiinae, est un migrateur très occasionnel dans le nord de l’Europe.

C’est donc une espèce très peu observée jusqu’ici en France, principalement sur le pourtour méditerranéen et la côte atlantique, d’août à novembre. Il est erratique à l’intérieur des terres.

Il y avait vraisemblablement fort peu de chances de l’observer en région Hauts-de-France où il n’avait jamais été noté, jusqu’à août 2016 où il a été vu dans l’Oise, attiré par la lampe à vapeur de mercure :

 

Vous retrouverez cette observation détaillée dans le prochain Bulletin de l’ADEP, « l’Entomologiste Picard », avec une autre observation peu commune d’une seconde Plusiinae : Chrysodeixis chalcites.

Question d’antennes

 

 

 

Papillons de jour ou papillons de nuit ?

 

Chez les Lépidoptères, on parle de papillons de jour ou de papillons de nuit. Pour les distinguer, on peut gager que les papillons de jour (Rhopalocères) volent le jour et les papillons de nuit (Hétérocères) volent la nuit… enfin presque !

Car si les papillons de jour volent bien le jour, il arrive également à de nombreuses espèces de papillons de nuit de voler en journée ou en soirée. Parmi les hétérocères actifs le jour, on peut citer : Autographa gamma, Chiasmia clathrata ou encore Macroglossum stellatarum :     

           

Alors pour les distinguer, les couleurs vives des Rhopalocères et les couleurs ternes des Hétérocères nous guideront-elles ? Pas davantage ! De nombreux hétérocères sont richement colorés, telles les écailles :

     

Pour faire la différence, c’est relativement simple, il faut regarder les antennes. Les papillons de jour (Rhopalocères) ont une petite boule au bout des antennes (rhopalo = massue) :

Tandis que les papillons de nuit (Hétérocères) ont des antennes aux formes variées (= hétéro) telles que plume, fil ou peigne :

 

Maculinea et Myrmica : une relation indispensable papillon-fourmi.

Avertissement : Le texte utilise une multitude de répétitions : « Myrmica » et « Maculinea » indispensable à la compréhension du phénomène biologique. Par avance toutes nos excuses auprès de nos lecteurs !

Définition :

  1. Fourmi :

Le genre Myrmica regroupe aujourd’hui 23 taxons français depuis la découverte d’une nouvelle espèce pour la France en 2016. En Picardie, il a été répertorié 7 espèces. Souvent appelées « fourmis rouges », c’est un groupe homogène en coloration et en taille (env. 5 mm).

Gyne (à droite) et ouvrières Myrmica. Photo : L.C.

2. Papillon :

Le genre Maculinea (ou Phengaris) regroupe 4 espèces françaises de papillons (Lépidopètres / Rhopalocères). Ces papillons sont gravement menacés en France comme en Europe avec une perte estimée à 55% des populations en 22 ans (« The European Grassland Butterfly Indicator : 1990-2011 European Environment Agency, 2013 »). En Picardie nous connaissons 2 espèces :

  • M. arion (L. 1758) l’Azuré du serpolet connu dans l’Aisne exclusivement.
  • M. alcon (Denis & Shiffermüller, 1775) qui se divise en deux écotypes :
    • M. alcon « rebeli » (Hirschke, 1904) l’Azuré de la croisette. Aisne et Oise.
    • M. alcon « alcon » (Denis & Shiffermüller, 1775) l’Azuré des mouillères. Aisne et Oise.

Biologie :

Leur biologie nécessite non seulement la présence d’une plante-hôte (Gentiana) pour s’alimenter mais aussi (et c’est là leur particularité), d’une « fourmi-hôte ». La chenille terminant en effet sa nymphose dans une fourmilière.

Ponte Maculinea rebeli sur Gentiana cruciata, Photo : T. GERARD.

Au troisième stade, la chenille se laisse choir de sa plante-hôte. Une fois au sol et incapable de se déplacer (Als et al, 2001), les fourmis du genre « Myrmica » vont la transporter jusqu’au nid. La chenille « myrmécophile » dispose d’une molécule permettant d’imiter l’odeur (hydrocarbures) des Myrmica. Ce leurre (parmi d’autres, L. Passera et al, 2016) va permettre à l’insecte de se faire « adopter ». Sans ce subterfuge, la chenille se ferait tuer par les hyménoptères. Une fois prise en charge et installée dans le nid, elle bénéficiera de la protection des fourmis et sera alimentée par les ouvrières (Elmes et al, 1991), ou, selon l’espèce, dévorera le couvain (Thomas & Elmes, 1998).

Il semble que chaque espèce de Maculinea soit associée à un certain nombre d’espèces de Myrmica, mais, localement une espèce de Maculinea se spécialise sur une espèce particulière de Myrmica. Les études réalisées dans les Pyrénées sur M. alcon écotype « rebeli » montrent que certaines populations utilisent Myrmica schencki Viereck, 1903 et d’autres Myrmica sabuleti Meinert, 1861. Mais, si les chenilles utilisant M. schenki sont « prises en charge » dans un nid de M. sabuleti (et vice-versa), les chenilles meurent. Il y a donc bien adaptation locale du papillon à une espèce particulière de Myrmica. Dans chaque station il y a une espèce de Myrmica avec laquelle une espèce donnée de Maculinea aura plus de chances de se développer. Toutes les Myrmica d’un site en revanche ne peuvent pas jouer le rôle d’hôte. Par conséquent, dans les stations où plusieurs espèces de Myrmica coexistent, la chenille mourra si elle est ramassée par une autre espèce de Myrmica que son hôte « attitré ».

Globalement, Maculinea alcon écotype « alcon » utilise surtout Myrmica scabrinodis Nylander 1846, Maculinea alcon écotype « rebeli » utilise surtout Myrmica schencki Viereck, 1903 et Maculinea arion utilise principalement Myrmica sabuleti Meinert, 1861 (Thomas et al, 1989, P. Dupont, 2011).

Maculinea rebeli (Photo : T. Gérard)

Maculinea arion (Photo : T. Gérard)

Maculinea arion (Photo : T. Gérard)

La survie de la population de Maculinea dépend donc de nombreux paramètres :

    1. de la densité absolue des nids de l’espèce de Myrmica-hôte ;
  • de la proportion de ces nids par rapport aux autres espèces de Myrmica ;
  • de la présence de la plante-hôte pour les premiers stades de développement de la chenille ;
  • de la présence de fourmis-hôtes à proximité des plantes-hôtes.
  • de plan de sauvegarde d’habitats favorables.

Avant la mise en place d’un PNA (Plan National d’Action) en faveur des Maculinea, les études se concentraient plus particulièrement sur la plante-hôte. Aujourd’hui le travail passe d’avantage par l’identification des fourmis-hôtes compte tenu d’une meilleure connaissance de la systématique myrmécologique. Ainsi, en collaboration avec le Conservatoire des Espaces Naturels de Picardie (CENP), plusieurs études entrant dans ce cadre ont étés initiées pour la Picardie (la toute première dans l’Oise, T. Cheyrezy & L. Colindre, 2015) ou sont en cours.

Il est crucial de connaitre :

  1. les potentialités d’une station pour assurer la survie des populations de Papillons ;
  2. la présence, la répartition de fourmis du genre Myrmica ;
  3. le cortège de fourmis associé (bien qu’approximatif car les prélèvements du dispositif sont trop sélectifs) afin d’apprécier la compétition interpécifique.

Le rôle de l’ADEP étant de garantir l’identification des espèces de fourmis et de collaborer à la transmission des données vers la base nationale ANTAREA.

L’indispensable relation « tripartite » : plante-papillon-fourmi pour leur survie et lié à l’indispensable relation « tripartite » : botaniste-lépidoptériste-myrmécologue pour leur sauvegarde.

Outil d’aide à l’identification des Myrmica :

http://webissimo.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Antarea_Myrmica_DREALr_cle7f8b73.pdf

Remerciements :

A Thibaut GERARD pour ses clichés.

Bibliographie :

Als T.D., Nash D.R. & Boomsma J.J. (2001). Adoption of parasitic Maculinea alcon caterpillars (Lepidoptera : Lycaenidae) by three Myrmica ant species. Anim. Behav.62, 99-106 p.

Dupont P. (2011), PNA 2011-2015 en faveur des Maculinea. Document validé par la Commission faune du CNPN du 21 Octobre 2010, 138 p.

Duquef M, Fournal M. & Pruvost D. (2004) La Picardie et ses Papillons, Tome 1, les Rhopalocères, ADEP avec la participation du CSNP, 248p.

Elmes, G W , JC Wardlaw & J A Thomas (1991). Larvae of Maculinea rebeli, a large-blue butterfly, and their Myrmica host ants : wild adoption and behaviour in ant nests. J. Zool. (London) 223 : 447-460.

Passera L. & Wild A. (2016) : Formidables fourmis, Ed Quæ 160 p.

Thomas J A G W Elmes, J C Wardlaw & M Woyciechowski (1989). Host specificity among Maculinea butterflies in Myrmica ant nest. Oecologia 79 :452-457.

Thomas, J A & G W Elmes (1998). Higher productivity at the cost of increased host-specificity when Maculinea butterfly larvae exploit ant colonies through trophallaxis rather than by predation. Ecological entomology 23 (4) : 457-464.