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Les larves à « queue de rat »

Larve d’Eristalis, Photo LC

Connaissez vous les « larves à queue de rat » ? Les Diptères, Syrphidae avant d’être adultes, pondent dans l’eau, y compris dans des milieux « sales », eutrophisés (photo ci-dessous).

Milieu de la découverte : une fosse à lisier où stagne une eau des plus sales qui soit !

Mais aussi : les mares temporaires, les eaux croupies, les abreuvoirs à bovins, les récupérateurs d’eau, etc.

Cet appendice est très long et fonctionne comme un « tuba » pour respirer sous l’eau.

Une fois leur cycle terminé, les larves s’en vont nymphoser non loin pour devenir de belles mouches nectarifères, et devenir comme ça :

Syrphe du genre Eristalis Photo LC

Il existe d’autres Syrphes présentant cette caractéristique : les Helophilus : mais la larve reste plus petite ainsi que les Diptères Stratyiomidae.

Je reconnais que ce reportage n’a rien de « ragoutant » mais reconnaissez de votre côté qu’il s’agit là d’une singulière particularité ! D’autre part ces larves possèdent un atout de taille : elles participent à la dégradation de la matière organique et les adultes à polliniser. Deux bonnes raisons de ne pas les tuer.

Tout a une utilité dans la nature ! Il suffit de trouver laquelle !

Remerciements à Damien TOP pour ses précisions sur les Syrphes.

Des mouches et des bijoux

 

 

Par Jean-Jacques Decerf.

 

C’est le responsable d’un centre de vacances, globe-trotter et entomologiste passionné qui me fit cette remarque il y a bien longtemps qui devait marquer ma façon de voir les insectes et en particulier les Mouches notamment dans leur présentation.

« Toute bête » me dit-il « est une œuvre d’art, un bijou de la nature, et à ce titre doit être traité comme tel avec tout le respect que l’on doit à une chose merveilleuse. La façon de présenter chaque insecte devra faire ressortir cette unicité et la beauté que représente la moindre bestiole. »

J’ai gardé par devers moi cette pensée, cette philosophie, et souvent lorsque j’étale une mouche je pense à cet homme et à ses collections, non pas de diamants et de rubis, mais d’insectes magnifiés et traités comme des bijoux.

Avec le temps, ce propos n’a fait que croitre en pertinence. D’un point de vue esthétique d’ abord, la présentation à un public de néophytes de mouches, ou d’autres insectes bien étalés prend toute sa dimension. Agréables à regarder, mouches, punaises et autres en deviennent plus sympathiques, les couleurs ressortent, les morphologies se dévoilent et ces insectes que l’on ignorait deviennent sujets d’interrogation et d’étonnement dans leur présentation.

On découvre avec ravissement que la mouche vaut le papillon dans ses couleurs, qu’elle rivalise d’ingéniosité avec le coléoptère dans ses formes étranges et élaborées, mais attention avec le ravissement de l’esthétisme on risque d’être ébloui par des mœurs et des biologies si singulières.

L’autre point, plus pratique et entomologique, concerne la détermination. L’anatomie bien mise en évidence permet la recherche des critères de détermination qui permettront de mettre un nom sur nos bêtes. Que n’ai-je ragé devant une bête recroquevillée dont des critères importants étaient cachés à mon regard.

Ainsi on peut être démotivé, revenant d’une prospection, des bêtes plein nos flacons, par le travail nécessaire à la préparation d’une récolte hétéroclite. Il y aura nécessairement du rebut, mais ce qui sera conservé devra recevoir le meilleur traitement possible. Les insectes peuvent attendre longtemps dans une boite de stockage avant d’être déterminés, parfois des années, et il serait contre productif de les ressortir les pattes emmêlés et les ailes fripées. Quelle tristesse de poser le regard sur des boites mal entretenues et qui plus est contenant des insectes dans des postures difformes, sans considération pour les êtres merveilleux qu’ils furent.

La pratique de l’art se veut efficace et bien souvent c’est au détriment de l’esthétisme. Pourtant la recherche aussi peut-être belle, même lorsqu’il s’agit de mouches, alors quelle fierté de pouvoir sortir et montrer nos boites comme on présenterait des bijoux.

 

Thelaira sp

Tachina lurida (Fabricius, 1781)

Phasia hemiptera (Fabricius, 1794)

Photos de l’auteur.

 

Fiche espèce – Un syrphe rare : Ferdinandea ruficornis (Fabricius, 1775) !

Bonjour,

Cette jolie femelle est entrée dans la chambre (Cuise La Motte ; 23-06-2017), plus besoin de se fatiguer à les rechercher !


Je l’ai envoyée à Damien Top qui s’est chargé de la détermination et a préparé un petit topo sur la bestiole dont j’ai fait un petit résumé.

Cette espèce n’est connue pour l’instant en Picardie que de l’Oise (Compiègne, 2014 et Plailly, 2015).

« Ferdinandea ruficornis (Fabricius, 1775)

Environnement préféré : forêt de chênes et forêt alluviale de feuillus.
Habitats et habitudes des adultes : données insuffisantes ; probablement largement arboricole, a été trouvé sur les troncs des chênes vivants (Quercus) infestés de Cossus gâte-bois (Cossus cossus).
Fleurs visitées : Campanula latifolia -la Campanule à larges feuilles- (N.Jones, pers.comm.), Heracleum -Berce- (de Buck, 1990).
Période de vol : mars (zone méditerranéenne) et mi-avril / début septembre, avec des pointes début mai et août.
En Europe de l’Ouest au moins, l’association étroite qui existe apparemment entre cette espèce et Cossus cossus implique la rareté du syrphe, puisque la pratique forestière a pour effet d’éliminer Cossus cossus et les arbres sénescents qu’il a infesté. Cossus cossus connaît actuellement un déclin marqué dans une grande partie de l’Europe occidentale et F. ruficornis doit être considéré comme menacé sur une grande partie de son aire de répartition européenne.

D’après Speight (1989), il s’agit d’une espèce utile pour l’identification des forêts d’importance internationale dans le domaine de la protection de la nature.

Sources :

Speight, M.C.D. (2016) Species accounts of European Syrphidae 2016. Syrph the Net, the database of European Syrphidae (Diptera), vol. 93, 288 pp., Syrph the Net publications, Dublin.

Ref biblio :Speight, M.C.D., Castella, E. & Sarthou, J.-P. (2016) StN 2016. In: Syrph the Net on CD, Issue 11. Speight, M.C.D., Castella, E., Sarthou, J.-P. & Vanappelghem, C.  (Eds.) ISSN 1649-1917. Syrph the Net Publications, Dublin. SPEIGHT M.C.D., 1989. Les invertébrés saproxyliques et leur protection. Conseil de l’Europe, collection Sauvegarde de la Nature, n° 42, 77 p.

Michel

Syrphes : Portrait de pollinisateurs 2017

 

 

 

Portrait de pollinisateurs 2017 – Photos: © Martin C D Speight – Texte: Martin C D Speight – Version Française: Cédric Vanappelghem

 

Photo ci-dessus : Sphiximorpha subsessiilis cette espèce forestière, rarement vue, se développe au stade larvaire dans les coulées de sèves sur le tronc des vieux arbres, et en particulier ceux des peupliers (Populus sp.)

 

Ces portraits ne sont pas ceux d’abeilles, mais ceux de mouches, de syrphes européens pour être précis. Sur le terrain, les syrphes sont petits et peuvent passés inaperçus. Dans les portraits, vous les voyez plus grands que dans la nature et pouvez donc les examiner à loisir. Vous êtes invités à envoyer ces protraits à qui vous voulez, amis ou collègues. Le rôle des syrphes dans la pollinisation n’est pas aussi connu que celui des abeilles, mais elles jouent pourtant leur rôle, certes un peu différent. Ils sont des pollinisateurs importants pour différents arbres fruitiers mais également des cultures, comme celle du Colza. Ils pollinisent également des plantes sauvages, notamment des plantes rares qui ne sont pas visitées par les abeilles. Les syrphes peuvent être trouvés dans une grande gamme d’habitats terrestres et aquatiques continentaux. Au stade larvaire, un tiers d’entre eux se nourrissent de pucerons ou de petites chenilles, ils sont reconnus pour être des auxiliaires de culture et en particulier du blé d’hiver. Un autre tiers se nourrit des plantes en minant les feuilles, la base des tiges, les racines, les rhizomes, les bulbes ou les tubercules des plantes herbacées. Le reste des syrphes se développent en se nourrissant de micro-organismes comme des bactéries, le plus souvent en vivant dans l’eau ou dans des situations très humides. Tous les adultes, sans aucune exception, se nourrissent de nectar et de pollen. Ils visitent une grande variété de plantes que ce soit des arbres, arbustes ou plantes herbacées, incluant les plantes qui ne produisent que du pollen (et pas de nectar) comme les graminées, les laîches, les chênes ou les coquelicots. Les noms des espèces présentées sont donnés dans les petits textes qui se trouvent après ces portraits.

 

ILS GRANDISSENT DANS L’EAU :

 

Lejogaster metallina* (en haut à gauche), Eristalis abusiva* (en haut à droite), Riponnensia splendens* (au centre), Helophilus pendulus* (en bas à gauche), Sericomyia silentis* (en bas à droite)

Comme les libellules ou les éphémères, ces syrphes passent la majeure partie de leur vie sous l’eau. Leurs larves n’ont pas de lamelles branchiales comme les libellules mais respirent de l’air. Les larves d’Eristalis, d’Helophilus et de Sericomyia utilisent un tube périscopique qui débouche à la surface de l’eau comme un tuba. Ce tube périscopique est à l’origine de leur nom « larves queues de rat », ils peuvent atteindre une longueur de 1 mètre. Helophilus pendulus est particulièrement commun et bien distribué, il peut être trouvé à peu près partout, notamment dans les jardins où il se développera dans les pièces d’eau.

 

DES BOURDONS ? NON DES SYRPHES

Pocota personata (au centre), Criorhina berberina*(à gauche), Eristalis intricaria*(à droite)

Des espèces mimétiques de bourdons sont trouvées dans au moins 10 genres de syrphes. Seule une espèce possède une larve qui vit dans les nids de bourdons, Volucella bombylans. Les autres ont des écologies différentes. Les larves de Pocota personata vivent dans des cavités d’arbre remplies d’eau, le plus souvent assez haut dans des arbres sénescents. Au contraire, les larves de Criorhina vivent dans des racines pourries des arbres vivants ou dans les cavités basses des troncs d’arbres. Eristalis intricaria a un stade larvaire aquatique se développant dans la boue riche en matière organique des mares peu profondes, en paysage non forestier. Les espèces de Criorhina volent tôt en saison quand les ressources alimentaires sont rares, elles dépendent fortement de la floraison des bosquets de Saule (les fleurs mâles en particulier).

 

GOURMANDS DE PUCERONS

 

Sphaerophoria scripta*(en haut), Baccha elongata*(à gauche), Heringia heringi*(à droite), Xanthogramma pedissequum (en bas)

Les pucerons ou autres petits insectes vivant sur les plantes sont une ressource alimentaire très commune chez les larves de syrphes. Lors de sa phase larvaire, un syrphe va consommer plusieurs centaines de pucerons. Certaines espèces se spécialisent alors que d’autres pondent leur œufs sur n’importe quelle colonie de pucerons. Les larves de Sphaerophoria scripta, une espèce qui se déplace beaucoup, sont généralistes et se développent dans les cultures. Baccha elongata ne dépose ses œufs qu’à proximité des colonies de pucerons sur des buissons ou dans le sous-bois voire sur de hautes herbes, un peu à l’ombre. Les larves de Heringia heringi sont des prédateurs spécialisés des pucerons formant des galles ou enroulant les feuilles et des Psylles, vivant sur les arbres fruitiers comme les pommiers, les cerisiers ou les poiriers. Les larves de Xanthogramma sont spécialisées sur les pucerons élevés par les fourmis sur les racines dans le sol.

 

LES HABITANTS DU MONDE SOUTERRAIN

Eumerus ovatus (en haut à gauche), Eumerus tarsalis (en haut à droite), Eumerus olivaceus (en bas à gauche), Eumerus ornatus (en bas à droite)

Presque toutes les espèces d’Eumerus vivent sous la surface du sol dans des racines, bulbes, tubercules ou rhizomes. Les plantes géophytes sont très diversifiées en zone méditerranéenne, tout comme les espèces de ce genre. Le vol en zig-zag d’Eumerus ovatus est impossible à suivre, car les yeux humains sont inévitablement attirés par la pilosité argentée de l’abdomen qui reflète la lumière, disparaissant aussitôt que l’insecte change de direction.

 

MAXIMUM ET MINIMUM

 

Milesia crabroniformis (la grande), Paragus haemorrhous*(la petite)

Milesia craboniformis est la plus grande des espèces de syrphes d’Europe, jusque 25 mm de long et Paragus haemorrhous est l’une des plus petites, atteignant à peine 3,5 mm. La larve du petite Paragus haemorrhous se nourrit de pucerons dans les cultures d’artichauts et de fèves en zone méditerranéenne ; elle accomplit son cycle biologique en quelques semaines. A l’inverse, les larves de Milesia craboniformis vivent dans le bois pourrissant dans les cavités à la base des vieux chênes. Leur développement larvaire dure plus d’une année. Milesia craboniformis vole tard en saison, elle visite typiquement les fleurs de Lierre grimpant, souvent en compagnie du Frelon européen (Vespa crabo) qu’elle imite à la fois en apparence et en comportement.

 

LES VEGETARIENS

Merodon avidus (en haut), Cheilosia orthotricha (à gauche), Portevinia maculata*(à droite)

Les larves de Merodon avidus minent les bulbes des petites liliacées comme les espèces du genre Ornithogalum. Celles de Cheilosia orthotricha minent la base des tiges florifères de la Pétasite (Petasites hybridus), alors que celles de Portevinia maculata minent les bulbes de l’Ail des ours (Alium ursinum). Les adultes de Portevinia maculata fréquentent les feuilles de cette même plante ainsi que les fleurs, on voit rarement ce syrphe sur d’autres fleurs. Cette espèce joue vraisemblablement un rôle dans la pollinisation de l’Ail des ours.

 

CELLES DE LA FERME

Melanostoma mellinum*(en haut), Eristalinus sepulchralis*(à gauche), Rhingia campestris*(à droite), Episyrphus balteatus*(en bas)

Melanostomma mellinum est l’une des rares espèces de syrphes à se maintenir dans les prairies de fauche intensives, elles sont également présentes dans les pâtures et les prairies de fauche extensives. Les adultes sont spécialisés dans l’exploitation des fleurs ne produisant que du pollen, les plantes anémophiles, en particulier les graminées. Ils sont des pollinisateurs spécialisés du plantain (Plantago sp.). Les larves d’Eristalinus sepulchralis se développent dans les eaux chargées par les effluents agricoles d’origine animale (fumier). Les larves de Rhingia campestris se développent dans les bouses de vaches, l’adulte possède un rostre et des pièces buccales très longs lui permettant de se nourrir dans quasiment toutes les fleurs. Episyrphus balteatus est une espèce dont la larve se nourrit de pucerons, elle peut être très abondante dans les champs de céréales, où elle est considérée comme un auxiliaire de culture significatif. La larve est également typiquement trouvée dans les cultures de cassis. Les femelles de cette espèce hiverne en Europe centrale et de l’ouest dans différents endroits comme les massifs de Lierre grimpant. Elles font partie des premières espèces à apparaître à la fin de l’hiver.

 

CELLES DU JARDIN

Syritta pipiens*(en haut), Syrphus ribesii*(à gauche), Merodon equestris*(à droite)

Les larves de Syritta pipiens sont trouvées dans les tas de compost ou toute autre accumulation de débris végétaux un peu humide, elle est ainsi abondante dans les jardins. Les rosiers, la plupart des buissons et les grandes herbes sont l’habitat où la larve de Syrphus ribesii se nourrit de pucerons. Merodon equestris s’est largement propagé en Europe où la jonquille a été introduite dans les jardins et les parcs urbains, les larves se nourrissant des les bulbes de cette plante. Elle est ainsi nommée Mouche des narcisses, en référence au nom scientifique des jonquilles (Narcissus sp.).

PRESQUE DISPARUE

Psarus abdominalis (à gauche), Sphiximorpha petronillae (à droite)

Psarus est l’unique genre de la tribu des Psarini et Psarus abdominalis en est l’unique espèce. Elle est endémique à l’Europe, dans l’état des connaissances actuelles. Dans le passée, Psarus abdominalis était connu de la Suède à la Yougoslavie, mais il a disparu de la majeure partie du continent au moment où les chevaux ont été remplacés par des engins motorisés. Psarus est une espèce forestière, aujourd’hui associée avec les forêts de chêne exploitée pour le bois de chauffage. Quand les chevaux intervenaient, l’exploitation de la forêt se faisait à la main. Quand cette exploitation a été mécanisée, les coupes à blanc sont devenues la norme et les microclimats forestiers ont disparu. Durant les 50 dernières années, Psarus abdominalis a été trouvé dans moins de 10 localités en Europe, pour la plupart au nord de la Grèce. Pourtant Psarus existait bien avant que l’exploitation extensive des forêts crée un habitat favorable. Il est possible que Psarus occupe également des forêts de chêne sujettes au feu. Beaucoup d’effort sont aujourd’hui consentis pour éviter les feux de forêts, les espèces dépendants des feux de forêts sont ainsi un groupe très menacé. Aujourd’hui, il y a trop d’inconnu sur l’écologie de Psarus pour lui assurer une survie sur le long terme. Sphiximorpha petronillae a été décrit en 1850 à partir d’un seul spécimen trouvé en Italie, seul deux exemplaires supplémentaires ont été découverts dans les 150 années suivantes. Très récemment, une population a été découverte dans une forêt de chênes dans le Nord Est de la Grèce. Les larves des Sphiximorpha se développent dans de petites cavités remplies de sève fermentée de vieux arbres. Les mâles de Sphiximorpha petronillae attendent, immobile, sur les troncs de chênes creux, que les femelles apparaissent. Malgré leurs couleurs brillantes, ils deviennent presque invisibles lorsqu’ils sont immobiles. S’il est dérangé S. petronillae peut émettre un bourdonnement fort et très semblable à celui d’une guêpe et relève ses ailes comme une menace, ce qui maximise sa ressemblance aux guêpes du genre Polistes. Cet insecte des vieilles forêts reste un des syrphes les plus menacés d’Europe, mais il n’est inclus dans aucune liste nationale ou internationale requérant la protection d’espèces.

 

L’EQUIPE DU BOIS MORT

Temnostoma meridionale (en haut), Sphegina sibirica*(à gauche), Xylota sylvarum*(à droite)

Les arbres pouvant se développer librement et mourir naturellement sont très rares en Europe, du fait de l’exploitation commerciale des forêts. La plupart des espèces de syrphes liés aux vieux arbres, sont de fait rares. Une minorité d’entre eux peuvent se développer dans des arbres tombés ou abattus, ou dans des souches, ils sont trouvés dans la plupart des forêts. Les larves des espèces de Temnostoma, comme Temnostoma meridionale, perce des galeries dans des troncs de chênes ou d’autres essences feuillus, quelques années après que l’arbre ait été abattu ou soit tombé. La larve de Sphegina sibirica vit derrière l’écorce des conifères récemment abattus. Depuis les années 80, cet insecte s’est propagé depuis la Russie et la Scandinavie vers le sud et l’ouest de l’Europe. Aujourd’hui il est connu d’Irlande et du centre de la France. Les larves de Xylota sylvarum se développent dans les racines et les souches de feuillus ou de conifères, pourries par les champignons. L’adulte est spécialisé dans la collecte de pollen à la surface des feuilles (piégé par le vent dans la pilosité), ou sur certaines fleurs comme les Renoncules (Ranunculus sp.) ou le Framboisier (Rubus idaeus).

 

PARENTS PROCHES

Volucella inflata (en haut à gauche), Volucella pellucens*(en haut à droite), Volucella bombylans*(en bas à gauche), Volucella zonaria (en bas à droite)

Les larves de Volucella inflata vivent dans l’humus d’arbre, mais les larves de toutes les autres espèces du genre vivent dans les nids d’insectes sociaux. Volucella pellucens vit avec les guêpes sociales (Vespula sp.), V.bombylans avec les bourdons (Bombus sp.) et V.zonaria avec le Frelon européen (Vespa crabo) ou la Guêpe commune (Vespula vulgaris). Les larves sont pour partie prédatrices sur les larves de leurs hôtes et sur les débris accumulés à la base du nid pour le reste. Volucella inflata vole tôt en saison et peut être aperçue sur les fleurs de Fusain d’Europe (Eunonymus europeaus) et d’Aubépine (Crataegus sp.). Les autres espèces de Volucella volent plus tard et aiment biens les fleurs de buissons comme le Buddleia (Buddleia sp.).

 

LE TRICHEUR

Microdon myrmicae*: adult (à gauche), larve (en bas à droite), puparium (en haut à droite)

Les larves de Microdon vivent dans les nids de fourmis, se nourrissent des larves de fourmis la nuit quand les fourmis sont quasiment inactives. Ce mode de développement larvaire très particulier est permis notamment par la production d’une odeur identique à celle des fourmis, ne permettant pas à ces dernières de détecter les larves. La forme des larve est également particulière, quand elles sont immobiles dans un tunnel de la fourmilière, elle sont comme une bosse sur laquelle les fourmis marchent sans se rendre compte de quoi que ce soit.

Les femelles de Microdon voulant pondre à l’entrée des nids de fourmis doivent avoir la bonne odeur, sinon elles pourraient être taillées en pièce par les fourmis. Les taxonomistes ont d’abord rangé les espèces de Microdon dans les mollusques car la larve ressemble à de petites limaces, imaginez la consternation quand la petite limace a éclos pour donner naissance à une mouche. Les larves de Microdon myrmicae vivent dans les nids des mêmes espèces que celles qui abritent les larves des certaines azurés (Maculinea sp.). Les larves des deux insectes peuvent se développer ensemble dans un même nid. Aujourd’hui, M.myrmicae est largement confiné aux marges des zones humides où ces fourmis peuvent maintenir de grosses populations dans les touffes de laîches et de mousses. Les espèces de Microdon ne se nourrissent pas sur les fleurs, mais elles sont reconnues pour être des pollinisateurs spécialisés de certaines orchidées (le genre Ophrys), qui imite l’habitus des femelles de Microdon. Les mâles des espèces de Microdon essayent de se reproduire avec ces orchidées, c’est à ce moment-là que les pollinies se fixent sur les mâles.

*Espèces se trouvant en Irlande. A l’exception de Sphiximorpha petronillae, toutes les espèces représentées sont connues de France. En Belgique, les espèces suivantes ne sont pas présentes : Eumerus ovatus, Eumerus tarsalis, Leucozona inopinata, Merodon avidus, Milesia crabroniformis, Sphiximorpha subsessilis et Temnostoma meridionale . Psarus abdominalis a aujourd’hui disparu.

Diffusion avec l’aimable autorisation de Cédric Vanappelghem.

Nous remercions Damien TOP pour la diffusion de ce super document.

Et pour en savoir plus :

www.biodiversityireland.ie/pollinatorplan

Poster « Syrphes » dans le cadre du programme SAPOLL :

Poster « Syrphes »

Inventaire des Syrphes au Marais de Reilly (60)

 

 

 

Les Syrphes sont des Diptères dont l’étude est actuellement impulsée en France par un groupe inter-réseaux associant Réserves Naturelles de France et les Conservatoires d’espaces naturels en tant qu’indicateur de la qualité des milieux. La prise en compte de ces diptères dans l’analyse de l’intégrité écologique  d’un milieu (notion exprimant la capacité d’accueil d’un milieu et qui rend compte de sa fonctionnalité) a été permise notamment grâce au Docteur Martin C.D. Speight et sa base de données sur les syrphes européens appelée Syrph the Net (StN).

Ces insectes ont été identifiés comme bon indicateur de l’intégrité écologique d’un site pour les raisons suivantes:

– la majorité des espèces peuvent être facilement identifiables.

– l’écologie de 95 % des espèces françaises est connue (habitats occupés, alimentation des larves, traits de vie).

– il existe une base de données où figure plus de 900 espèces et les informations concernant leur écologie (période de vol, développement de larves, types d’habitats, de micro-habitats occupés…).

– contrairement à d’autres groupes d’insectes, les syrphes sont présents sur une large gamme de types d’habitats. Les informations écologiques disponibles attestent d’un haut degré de fidélité écologique de nombreuses espèces. Les syrphes peuvent fournir des informations sur toutes les strates verticales d’un milieu, des zones racinaires de graminées à la canopée des arbres en forêt.

– les trois groupes trophiques sont présents chez les larves de syrphes : espèces zoophages, phytophages et saprophages. Cette particularité, au sein de la même famille, permet de couvrir les trois groupes trophiques fondamentaux d’un écosystème.

– en terme d’échantillonnage, il existe une méthode standardisée de collecte des syrphes par l’utilisation du piège Malaise.

– le temps de génération des différentes espèces (de 8 semaines à 2 ans), couplé à leur mobilité rapide et aux différents habitats occupés, font des Syrphidae un groupe qui donne des informations sur des changements à court (saisons) et à long termes des conditions du site.

 

Cette base de données Syrph the Net développée par le Docteur Martin C.D Speight permet donc d’évaluer de manière standardisé l’intégrité d’un habitat/d’un site par rapport à un état de référence suivant le principe ci-dessous :

Les espèces au rendez-vous, exprimées en pourcentage des espèces prédites, indiquent l’intégrité écologique de l’habitat ou de la station étudiée selon certains seuils. Les espèces expliquées (pourcentage des espèces au rendez-vous sur les observées) renseignent sur la qualité de la prédiction (description préalables des habitats + codage StN) et la représentativité des habitats du site à l’échelle des paysages. L’analyse des traits de vie des espèces manquantes permet d’identifier les caractéristiques non présentes des habitats et ainsi identifier les axes de gestion à développer/améliorer (manque de bois morts, de vieux arbres, dysfonctionnement hydrique…).

Cette méthode repose donc sur une analyse comparative simple et une bonne connaissance de la biologie des espèces de syrphes.

 

Ainsi, en 2016, 3 tentes Malaise ont été posées par le Conservatoire d’espaces naturels de Picardie sur le site de Reilly le 29 avril 2016. Ces tentes ont été retirées le 20 octobre 2016.  Bien que les conditions climatiques n’aient pas été idéales en début d’année (froid et pluie), ce piégeage passif a permis d’identifier 2382 individus pour 80 espèces. Parmi ces espèces, toujours d’après Speight (2015), 6 espèces seraient en déclin en Europe : Calliprobola speciosa, Cheilosia rufimana, Chrysotoxum elegans, Chrysotoxum verrali (photo ci-dessous), Microdon analis, Xanthogramma stackelbergi et 4 espèces seraient en déclin en France : Cheilosia rufimana, Chrysotoxum verrali, Parhelophilus frutetorum, Xanthogramma stackelbergi.

 

De plus, deux espèces sont dites « utiles pour l’identification des forêts d’importance internationale dans le domaine de la protection de la nature » d’après Speight (1989). Il s’agit de Brachyopa bicolor et de Calliprobola speciosa. On notera aussi la découverte d’une nouvelle espèce pour la Picardie Xylota abiens.

 

L’analyse de ces espèces pour l’intégrité écologique des milieux sera réalisée en 2017 avec un complément d’inventaires en début d’année afin de « compenser » le printemps non propice aux syrphes de 2016.

 

Pour finir, les punaises, araignées et coléoptères capturés par les tentes Malaise ont été triés et envoyés aux spécialistes régionaux pour détermination. A l’heure de la rédaction de ce bilan, une partie des punaises a été déterminée (par C. MOREL) ainsi qu’une partie des coléoptères (par J.C. BOCQUILLON).

photo CEN Picardie