Portrait de pollinisateurs 2017 – Photos: © Martin C D Speight – Texte: Martin C D Speight – Version Française: Cédric Vanappelghem
Photo ci-dessus : Sphiximorpha subsessiilis cette espèce forestière, rarement vue, se développe au stade larvaire dans les coulées de sèves sur le tronc des vieux arbres, et en particulier ceux des peupliers (Populus sp.)
Ces portraits ne sont pas ceux d’abeilles, mais ceux de mouches, de syrphes européens pour être précis. Sur le terrain, les syrphes sont petits et peuvent passés inaperçus. Dans les portraits, vous les voyez plus grands que dans la nature et pouvez donc les examiner à loisir. Vous êtes invités à envoyer ces protraits à qui vous voulez, amis ou collègues. Le rôle des syrphes dans la pollinisation n’est pas aussi connu que celui des abeilles, mais elles jouent pourtant leur rôle, certes un peu différent. Ils sont des pollinisateurs importants pour différents arbres fruitiers mais également des cultures, comme celle du Colza. Ils pollinisent également des plantes sauvages, notamment des plantes rares qui ne sont pas visitées par les abeilles. Les syrphes peuvent être trouvés dans une grande gamme d’habitats terrestres et aquatiques continentaux. Au stade larvaire, un tiers d’entre eux se nourrissent de pucerons ou de petites chenilles, ils sont reconnus pour être des auxiliaires de culture et en particulier du blé d’hiver. Un autre tiers se nourrit des plantes en minant les feuilles, la base des tiges, les racines, les rhizomes, les bulbes ou les tubercules des plantes herbacées. Le reste des syrphes se développent en se nourrissant de micro-organismes comme des bactéries, le plus souvent en vivant dans l’eau ou dans des situations très humides. Tous les adultes, sans aucune exception, se nourrissent de nectar et de pollen. Ils visitent une grande variété de plantes que ce soit des arbres, arbustes ou plantes herbacées, incluant les plantes qui ne produisent que du pollen (et pas de nectar) comme les graminées, les laîches, les chênes ou les coquelicots. Les noms des espèces présentées sont donnés dans les petits textes qui se trouvent après ces portraits.
ILS GRANDISSENT DANS L’EAU :
Lejogaster metallina* (en haut à gauche), Eristalis abusiva* (en haut à droite), Riponnensia splendens* (au centre), Helophilus pendulus* (en bas à gauche), Sericomyia silentis* (en bas à droite)
Comme les libellules ou les éphémères, ces syrphes passent la majeure partie de leur vie sous l’eau. Leurs larves n’ont pas de lamelles branchiales comme les libellules mais respirent de l’air. Les larves d’Eristalis, d’Helophilus et de Sericomyia utilisent un tube périscopique qui débouche à la surface de l’eau comme un tuba. Ce tube périscopique est à l’origine de leur nom « larves queues de rat », ils peuvent atteindre une longueur de 1 mètre. Helophilus pendulus est particulièrement commun et bien distribué, il peut être trouvé à peu près partout, notamment dans les jardins où il se développera dans les pièces d’eau.
DES BOURDONS ? NON DES SYRPHES
Pocota personata (au centre), Criorhina berberina*(à gauche), Eristalis intricaria*(à droite)
Des espèces mimétiques de bourdons sont trouvées dans au moins 10 genres de syrphes. Seule une espèce possède une larve qui vit dans les nids de bourdons, Volucella bombylans. Les autres ont des écologies différentes. Les larves de Pocota personata vivent dans des cavités d’arbre remplies d’eau, le plus souvent assez haut dans des arbres sénescents. Au contraire, les larves de Criorhina vivent dans des racines pourries des arbres vivants ou dans les cavités basses des troncs d’arbres. Eristalis intricaria a un stade larvaire aquatique se développant dans la boue riche en matière organique des mares peu profondes, en paysage non forestier. Les espèces de Criorhina volent tôt en saison quand les ressources alimentaires sont rares, elles dépendent fortement de la floraison des bosquets de Saule (les fleurs mâles en particulier).
GOURMANDS DE PUCERONS
Sphaerophoria scripta*(en haut), Baccha elongata*(à gauche), Heringia heringi*(à droite), Xanthogramma pedissequum (en bas)
Les pucerons ou autres petits insectes vivant sur les plantes sont une ressource alimentaire très commune chez les larves de syrphes. Lors de sa phase larvaire, un syrphe va consommer plusieurs centaines de pucerons. Certaines espèces se spécialisent alors que d’autres pondent leur œufs sur n’importe quelle colonie de pucerons. Les larves de Sphaerophoria scripta, une espèce qui se déplace beaucoup, sont généralistes et se développent dans les cultures. Baccha elongata ne dépose ses œufs qu’à proximité des colonies de pucerons sur des buissons ou dans le sous-bois voire sur de hautes herbes, un peu à l’ombre. Les larves de Heringia heringi sont des prédateurs spécialisés des pucerons formant des galles ou enroulant les feuilles et des Psylles, vivant sur les arbres fruitiers comme les pommiers, les cerisiers ou les poiriers. Les larves de Xanthogramma sont spécialisées sur les pucerons élevés par les fourmis sur les racines dans le sol.
LES HABITANTS DU MONDE SOUTERRAIN
Eumerus ovatus (en haut à gauche), Eumerus tarsalis (en haut à droite), Eumerus olivaceus (en bas à gauche), Eumerus ornatus (en bas à droite)
Presque toutes les espèces d’Eumerus vivent sous la surface du sol dans des racines, bulbes, tubercules ou rhizomes. Les plantes géophytes sont très diversifiées en zone méditerranéenne, tout comme les espèces de ce genre. Le vol en zig-zag d’Eumerus ovatus est impossible à suivre, car les yeux humains sont inévitablement attirés par la pilosité argentée de l’abdomen qui reflète la lumière, disparaissant aussitôt que l’insecte change de direction.
MAXIMUM ET MINIMUM
Milesia crabroniformis (la grande), Paragus haemorrhous*(la petite)
Milesia craboniformis est la plus grande des espèces de syrphes d’Europe, jusque 25 mm de long et Paragus haemorrhous est l’une des plus petites, atteignant à peine 3,5 mm. La larve du petite Paragus haemorrhous se nourrit de pucerons dans les cultures d’artichauts et de fèves en zone méditerranéenne ; elle accomplit son cycle biologique en quelques semaines. A l’inverse, les larves de Milesia craboniformis vivent dans le bois pourrissant dans les cavités à la base des vieux chênes. Leur développement larvaire dure plus d’une année. Milesia craboniformis vole tard en saison, elle visite typiquement les fleurs de Lierre grimpant, souvent en compagnie du Frelon européen (Vespa crabo) qu’elle imite à la fois en apparence et en comportement.
LES VEGETARIENS
Merodon avidus (en haut), Cheilosia orthotricha (à gauche), Portevinia maculata*(à droite)
Les larves de Merodon avidus minent les bulbes des petites liliacées comme les espèces du genre Ornithogalum. Celles de Cheilosia orthotricha minent la base des tiges florifères de la Pétasite (Petasites hybridus), alors que celles de Portevinia maculata minent les bulbes de l’Ail des ours (Alium ursinum). Les adultes de Portevinia maculata fréquentent les feuilles de cette même plante ainsi que les fleurs, on voit rarement ce syrphe sur d’autres fleurs. Cette espèce joue vraisemblablement un rôle dans la pollinisation de l’Ail des ours.
CELLES DE LA FERME
Melanostoma mellinum*(en haut), Eristalinus sepulchralis*(à gauche), Rhingia campestris*(à droite), Episyrphus balteatus*(en bas)
Melanostomma mellinum est l’une des rares espèces de syrphes à se maintenir dans les prairies de fauche intensives, elles sont également présentes dans les pâtures et les prairies de fauche extensives. Les adultes sont spécialisés dans l’exploitation des fleurs ne produisant que du pollen, les plantes anémophiles, en particulier les graminées. Ils sont des pollinisateurs spécialisés du plantain (Plantago sp.). Les larves d’Eristalinus sepulchralis se développent dans les eaux chargées par les effluents agricoles d’origine animale (fumier). Les larves de Rhingia campestris se développent dans les bouses de vaches, l’adulte possède un rostre et des pièces buccales très longs lui permettant de se nourrir dans quasiment toutes les fleurs. Episyrphus balteatus est une espèce dont la larve se nourrit de pucerons, elle peut être très abondante dans les champs de céréales, où elle est considérée comme un auxiliaire de culture significatif. La larve est également typiquement trouvée dans les cultures de cassis. Les femelles de cette espèce hiverne en Europe centrale et de l’ouest dans différents endroits comme les massifs de Lierre grimpant. Elles font partie des premières espèces à apparaître à la fin de l’hiver.
CELLES DU JARDIN
Syritta pipiens*(en haut), Syrphus ribesii*(à gauche), Merodon equestris*(à droite)
Les larves de Syritta pipiens sont trouvées dans les tas de compost ou toute autre accumulation de débris végétaux un peu humide, elle est ainsi abondante dans les jardins. Les rosiers, la plupart des buissons et les grandes herbes sont l’habitat où la larve de Syrphus ribesii se nourrit de pucerons. Merodon equestris s’est largement propagé en Europe où la jonquille a été introduite dans les jardins et les parcs urbains, les larves se nourrissant des les bulbes de cette plante. Elle est ainsi nommée Mouche des narcisses, en référence au nom scientifique des jonquilles (Narcissus sp.).
PRESQUE DISPARUE
Psarus abdominalis (à gauche), Sphiximorpha petronillae (à droite)
Psarus est l’unique genre de la tribu des Psarini et Psarus abdominalis en est l’unique espèce. Elle est endémique à l’Europe, dans l’état des connaissances actuelles. Dans le passée, Psarus abdominalis était connu de la Suède à la Yougoslavie, mais il a disparu de la majeure partie du continent au moment où les chevaux ont été remplacés par des engins motorisés. Psarus est une espèce forestière, aujourd’hui associée avec les forêts de chêne exploitée pour le bois de chauffage. Quand les chevaux intervenaient, l’exploitation de la forêt se faisait à la main. Quand cette exploitation a été mécanisée, les coupes à blanc sont devenues la norme et les microclimats forestiers ont disparu. Durant les 50 dernières années, Psarus abdominalis a été trouvé dans moins de 10 localités en Europe, pour la plupart au nord de la Grèce. Pourtant Psarus existait bien avant que l’exploitation extensive des forêts crée un habitat favorable. Il est possible que Psarus occupe également des forêts de chêne sujettes au feu. Beaucoup d’effort sont aujourd’hui consentis pour éviter les feux de forêts, les espèces dépendants des feux de forêts sont ainsi un groupe très menacé. Aujourd’hui, il y a trop d’inconnu sur l’écologie de Psarus pour lui assurer une survie sur le long terme. Sphiximorpha petronillae a été décrit en 1850 à partir d’un seul spécimen trouvé en Italie, seul deux exemplaires supplémentaires ont été découverts dans les 150 années suivantes. Très récemment, une population a été découverte dans une forêt de chênes dans le Nord Est de la Grèce. Les larves des Sphiximorpha se développent dans de petites cavités remplies de sève fermentée de vieux arbres. Les mâles de Sphiximorpha petronillae attendent, immobile, sur les troncs de chênes creux, que les femelles apparaissent. Malgré leurs couleurs brillantes, ils deviennent presque invisibles lorsqu’ils sont immobiles. S’il est dérangé S. petronillae peut émettre un bourdonnement fort et très semblable à celui d’une guêpe et relève ses ailes comme une menace, ce qui maximise sa ressemblance aux guêpes du genre Polistes. Cet insecte des vieilles forêts reste un des syrphes les plus menacés d’Europe, mais il n’est inclus dans aucune liste nationale ou internationale requérant la protection d’espèces.
L’EQUIPE DU BOIS MORT
Temnostoma meridionale (en haut), Sphegina sibirica*(à gauche), Xylota sylvarum*(à droite)
Les arbres pouvant se développer librement et mourir naturellement sont très rares en Europe, du fait de l’exploitation commerciale des forêts. La plupart des espèces de syrphes liés aux vieux arbres, sont de fait rares. Une minorité d’entre eux peuvent se développer dans des arbres tombés ou abattus, ou dans des souches, ils sont trouvés dans la plupart des forêts. Les larves des espèces de Temnostoma, comme Temnostoma meridionale, perce des galeries dans des troncs de chênes ou d’autres essences feuillus, quelques années après que l’arbre ait été abattu ou soit tombé. La larve de Sphegina sibirica vit derrière l’écorce des conifères récemment abattus. Depuis les années 80, cet insecte s’est propagé depuis la Russie et la Scandinavie vers le sud et l’ouest de l’Europe. Aujourd’hui il est connu d’Irlande et du centre de la France. Les larves de Xylota sylvarum se développent dans les racines et les souches de feuillus ou de conifères, pourries par les champignons. L’adulte est spécialisé dans la collecte de pollen à la surface des feuilles (piégé par le vent dans la pilosité), ou sur certaines fleurs comme les Renoncules (Ranunculus sp.) ou le Framboisier (Rubus idaeus).
PARENTS PROCHES
Volucella inflata (en haut à gauche), Volucella pellucens*(en haut à droite), Volucella bombylans*(en bas à gauche), Volucella zonaria (en bas à droite)
Les larves de Volucella inflata vivent dans l’humus d’arbre, mais les larves de toutes les autres espèces du genre vivent dans les nids d’insectes sociaux. Volucella pellucens vit avec les guêpes sociales (Vespula sp.), V.bombylans avec les bourdons (Bombus sp.) et V.zonaria avec le Frelon européen (Vespa crabo) ou la Guêpe commune (Vespula vulgaris). Les larves sont pour partie prédatrices sur les larves de leurs hôtes et sur les débris accumulés à la base du nid pour le reste. Volucella inflata vole tôt en saison et peut être aperçue sur les fleurs de Fusain d’Europe (Eunonymus europeaus) et d’Aubépine (Crataegus sp.). Les autres espèces de Volucella volent plus tard et aiment biens les fleurs de buissons comme le Buddleia (Buddleia sp.).
LE TRICHEUR
Microdon myrmicae*: adult (à gauche), larve (en bas à droite), puparium (en haut à droite)
Les larves de Microdon vivent dans les nids de fourmis, se nourrissent des larves de fourmis la nuit quand les fourmis sont quasiment inactives. Ce mode de développement larvaire très particulier est permis notamment par la production d’une odeur identique à celle des fourmis, ne permettant pas à ces dernières de détecter les larves. La forme des larve est également particulière, quand elles sont immobiles dans un tunnel de la fourmilière, elle sont comme une bosse sur laquelle les fourmis marchent sans se rendre compte de quoi que ce soit.
Les femelles de Microdon voulant pondre à l’entrée des nids de fourmis doivent avoir la bonne odeur, sinon elles pourraient être taillées en pièce par les fourmis. Les taxonomistes ont d’abord rangé les espèces de Microdon dans les mollusques car la larve ressemble à de petites limaces, imaginez la consternation quand la petite limace a éclos pour donner naissance à une mouche. Les larves de Microdon myrmicae vivent dans les nids des mêmes espèces que celles qui abritent les larves des certaines azurés (Maculinea sp.). Les larves des deux insectes peuvent se développer ensemble dans un même nid. Aujourd’hui, M.myrmicae est largement confiné aux marges des zones humides où ces fourmis peuvent maintenir de grosses populations dans les touffes de laîches et de mousses. Les espèces de Microdon ne se nourrissent pas sur les fleurs, mais elles sont reconnues pour être des pollinisateurs spécialisés de certaines orchidées (le genre Ophrys), qui imite l’habitus des femelles de Microdon. Les mâles des espèces de Microdon essayent de se reproduire avec ces orchidées, c’est à ce moment-là que les pollinies se fixent sur les mâles.
*Espèces se trouvant en Irlande. A l’exception de Sphiximorpha petronillae, toutes les espèces représentées sont connues de France. En Belgique, les espèces suivantes ne sont pas présentes : Eumerus ovatus, Eumerus tarsalis, Leucozona inopinata, Merodon avidus, Milesia crabroniformis, Sphiximorpha subsessilis et Temnostoma meridionale . Psarus abdominalis a aujourd’hui disparu.
Diffusion avec l’aimable autorisation de Cédric Vanappelghem.
Nous remercions Damien TOP pour la diffusion de ce super document.
Et pour en savoir plus :
www.biodiversityireland.ie/pollinator–plan
Poster « Syrphes » dans le cadre du programme SAPOLL :
Poster « Syrphes »