Solitude et émerveillement
Lors de mes séjours sous ces contrées lointaines, quand j’en ai la possibilité, j’aime à pied, seul, le matin, à peine le jour levé, pendant quelques heures, prendre les pistes sur plusieurs kilomètres. Je marche doucement, sans bruit, avec ma paire de jumelles en bandoulière, et depuis peu un appareil photo. Parfois, je m’arrête et m’assois sur un tronc tombé là comme un siège providentiel. Ces morceaux de bois au sol, rapidement dévorés par les termites sont assez rares en forêts tropicales. J’attends, j’observe. C’est un moment privilégié pour découvrir la faune et la flore, de sentir les parfums parfois enivrants des fleurs. De voir courir sur les chemins la liane des passiflores ou de contempler des fleurs communes que l’on retrouve il me semble très chères chez nos fleuristes en métropole. Ou encore, de regarder la variété des arbres et des fruits tombés à terre.
La forêt, bien qu’apaisante n’est pas silencieuse, surtout le matin, le cri des singes hurleurs impressionnant qui ressemble de loin à des gros coups de vent. Les cris d’oiseaux, toucans, et autres ainsi que les concerts amoureux des batraciens et insectes.
On aperçoit des animaux divers. Ils ne sont pas si rares mais il faut s’armer de patience. Soit c‘est au détour d’un layon, soit, traversant devant moi ou se dérobant dans les bas cotés à ma hauteur. Souvent : serpents de différentes espèces, j’ai eu l’immense privilège, quelques kilomètres après l’Auberge des Orpailleurs de croiser un très gros serpent. Je pensais sur le coup à un anaconda, mais après avoir recherché dans des livres, d’après les dessins dont je ne souvenais, il s’agissait d’un boa constrictor de plus de cinq mètres que j’ai essayé, sans succès, de détourner avec mon filet. Plusieurs séjours plus tard, cette fois avec mes compagnons de voyage, nous avons vue lové au soleil à vingt mètre de nous sur une petite plage de sable le long d’une crique un très grand anaconda. Une autre fois, un splendide serpent liane tout près de moi dans la végétation et que j’ai pu contempler de longues minutes. On voit aussi beaucoup de lézards, les imposants teju parfois nombreux se chauffant au soleil sur les pierres affleurantes des pistes, des geckos plus ou moins grands sur les troncs des arbres. A kaw, un gros lézard qui m’a semblait épineux mais que je n’ai pas su déterminer. Parfois une tortue, plusieurs fois des iguanes et, plusieurs sortes de singes dont les sympathiques et curieux « mains jaunes ». Des agoutis qui ne sont jamais très loin des habitations, des hordes de pécaris.
Dans les arbres, de nombreux oiseaux difficiles à déterminer dont les bruyants toucans. En vol, différents perroquets, surtout Ara chloroptère, beaucoup de perruches de différentes couleurs. Au sol des colonies d’agamis peu farouches qui ressemblent à des pintades. Loin en forêt, au PK 128 sur la route de l’est, alors que j’étais assis depuis un moment en retrait sur un petit talus, j’ai vu arriver marchant fièrement un rare hocco (gros oiseau noir) sortant d’un petit marécage asséché. Il venait manger des fruits tombés sur la piste à dix pas de moi. Il semblait méfiant, relevant la tête au moindre bruit. Après s’être régalé, au bout d’un bon quart d’heure, il est reparti de la même façon. Il ne saura jamais qu’un humain l’observait alors. Une autre fois, route Jojo prés de Sinnamary, étant assis sur une grande ornière de camion séchée par un soleil ardent, un échassier d’environ quatre-vingt centimètre de haut, de couleur similaire aux poules faisanes sous nos contrées est passé devant moi à moins de trois mètres. Je l’avais vu arriver de loin, marchant sur la piste depuis plus de cinquante mètres avec mon ami le suivant en chassant les papillons à égale distance. Quand il m’a dépassé de trente pas, je me suis levé mais il a continué comme si de rien à progresser vers la fin de la piste. Il est courant de voir des rapaces posés ou en vol et plus rare, des martins chasseurs à l’affut. J’ai aussi eu la chance, à Corossony de voir ce que j’ai déterminé comme étant un hoazin perché à dix mètres de moi et à Kaw encore, de croiser une femelle de tayra (grosse martre) avec trois petits.
J’ai aussi aperçu sur une piste partant de la RN 2, un écureuil identique à ceux de ma forêt de Compiègne, peut-être un peu plus petit ! A l’entrée d’un carbet sur la même route, j’ai entrevu, se faufiler au loin sur un terrain pentu, deux jaguarondis. Mais je n’ai pas croisé à ce jour, malheureusement car je n’ai aucune crainte, la piste du jaguar ou du puma
Sans oublier la petite faune que l’on ne voit que si on y fait attention, batraciens dont les colorées mais discrètes Dendrobates, le spectaculaire crapaud Buffo marinus tapi dans une ornière pleine d’eau boueuse.
Crabes d’eau douce dans un petit ruisseau clair, chenilles plus ou moins étranges et colorées, épineuses ou avec des curieuses cornes ou protubérances.
La colonne des fourmis Atta transportant chacune leur morceaux de feuille, celle des légionnaires (Eciton sp) aux impressionnantes mandibules ainsi que d’autres créatures comme ce genre d’orvet avec seulement des pattes à l’avant. Sans parler des multitudes de papillons et autres insectes qui sont le motif de mes voyages.
Deux matins de suite, environ une heure après l’arrêt du groupe électrogène, alors que nous prenons en silence le petit déjeuner, nous avons eu la visite discrète d’une sympathique mais méfiante moufette (Conepatus semistriatus) qui m’a ramené à l’esprit les dessins animées de Bambi.
D’autres part, sur les kilomètres de bitume qui nous séparent de nos différents lieux de séjour, nous voyons aussi, malheureusement car ils sont souvent écrasés, d’autres animaux, sarigues (pian pour les guyanais) notamment et d’autres, parfois rares comme une fois, vers Tonnegrande un fourmilier tamanoir ou encore sur la RN2, deux personnes qui chargeaient dans un pickup un ocelot sans doute renversé par une voiture. Pour les quelques dizaines de kilomètres effectués de nuit sur les routes de ce département, j’ai pu constater que l’on rencontre beaucoup d’animaux dans les phares, les serpents ne sont pas rares. Je me rappelle que mon fils avec un de ses cousins avaient vu à la lumière de leurs lampes frontales dans une ornière sous la pluie, un reptile qui d’après leurs descriptions me semble être un Amphisbène (serpent à deux têtes)
Lors d’un prochain séjour, je consacrerai plus d’heures nocturnes à confirmer cette impression, peut-être verrais-je d’autres espèces !
L’appel de la nature est grisant, exaltant, comment ne pas avoir envie d’y retourner ?